Les « bullshit jobs »

Explorez vos contacts sur les réseaux professionnels et vous serez surpris de ne pas comprendre l’intitulé de leurs professions : « networking enhancement », « innovative strategies », « holacracy », « global innovation insight », « transition transformation », « change management », « global strategy », « creativity and innovation », « thought leadership », etc.

 

Serait-ce la fiche de poste des disciples de Maître Yoda ?

Leurs titres ne manquent pas non plus d’exotisme : experts, conseillers, consultants, senior advisers, business managers, officers. Beaucoup se sont directement autoproclamés patron, CEO, founder, owner, managing partner (c’est-à-dire souvent « patron de moi-même »).

Au-delà de la mégalomanie intrinsèque aux réseaux sociaux, cette prolifération de « global strategy CEO » trahit les mutations de l’économie et de la société. Il est tentant d’y voir, comme l’anthropologue et activiste altermondialiste David Graeber, l’avènement des « bullshit jobs » (expression non traduisible ici).

Les « bullshit jobs » caractérisent la bureaucratie de l’entreprise mondialisée, avec ses ressources humaines, ses relations publiques, ses avocats d’affaires, ses experts en influence, ses myriades de consultants bardés de PowerPoint. Le succès mondial de cette expression utilisée par Graeber dans un article pour « Strike! Magazine » en 2013 a conduit ce dernier  à entreprendre une étude plus empirique, en récoltant des témoignages à l’adresse doihaveabsjoborwhat@gmail.com.

Il classe les « bullshit jobs » en cinq catégories : faire-valoir (pour mettre en valeur un supérieur hiérarchique ou un client), sbires (qu’une entreprise recrute pour la seule raison que ses concurrents le font), sparadraps (dont la mission consiste à résoudre un problème qui n’existe pas), timbres-poste (signalant que l’entreprise se saisit d’un sujet à la mode), contremaîtres (censés superviser des gens qui se débrouillent très bien tout seuls). Les concernés se reconnaîtront d’eux-mêmes. Il faudrait proposer cette classification aux réseaux sociaux.

Graeber interprète les « bullshit jobs » comme un artifice déployé par le capitalisme pour survivre dans un univers où le travail devient de moins en moins nécessaire : plutôt que de sombrer dans une douce oisiveté, l’élite multiplie les fonctions inutiles pour prouver sa propre légitimité. L’auteur tente une explication alternative : les « bullshit jobs » reflètent plutôt l’impossibilité de nommer des tâches de plus en plus transversales, où l’intelligence se déploie au-delà des compétences techniques.

Source Gaspard Koenig Les Echos

Bonne année 2018

XY Consulting vous souhaite une très bonne année 2018 (cliquer ici ou sur l’image)

 

 

top