La gestion prévisionnelle des talents, enjeu majeur sous-estimé en entreprise familiale

Le premier héritier mâle a été pendant des siècles le repreneur naturel des entreprises familiales, le critère de la primogéniture l’emportant sur tout autre critère de sélection éventuel. Si aujourd’hui les entreprises familiales choisissent leur futur dirigeant selon l’adéquation entre ses compétences et la fonction visée, les liens du sang restent encore très importants.

Mais pour que la transmission du pouvoir de direction se réalise au sein de la famille, encore faut-il qu’il existe un ou plusieurs descendants, suffisamment motivés et conscients des enjeux de l’entreprise, disposant d’un parcours professionnel étoffé et souhaitant reprendre le flambeau.

Or, la fenêtre d’opportunité est souvent trop étroite pour permettre l’identification d’un candidat familial adéquat. Cette situation trop fréquente démontre l’importance des mécanismes à mettre en place afin de faciliter la gestion des talents dans les entreprises familiales.

Préparer les candidats potentiels

Le choix et la préparation des candidats potentiels à la succession doivent être envisagés comme une démarche de longue haleine. Ainsi les familles d’actionnaires devraient-elles davantage cultiver et développer le capital humain familial au travers d’une éducation et d’une socialisation stratégique adaptées, préparant la nouvelle génération à prendre un jour la relève de l’entreprise.

Afin de s’assurer que seuls des membres familiaux engagés et qualifiés puissent envisager de diriger un jour l’entreprise, pourquoi ne pas formaliser une règle dans le cadre d’une charte familiale ? Il faudrait ainsi définir à l’avance les compétences et postures attendues des membres familiaux, les modalités d’évaluation de leur performance ainsi que d’évolution de carrière au sein de l’entreprise.

Ce type de dispositions peut toutefois devenir un obstacle à la rétention des talents extérieurs, notamment si les postes de direction sont réservés aux seuls membres de la famille. L’entreprise devra donc trouver d’autres leviers pour fidéliser ces collaborateurs de talent.

En l’absence d’un successeur identifié et disponible, on peut décider de nommer de manière transitoire un dirigeant externe, dans l’attente de l’identification d’un successeur familial. Cette option, fréquemment utilisée dans les entreprises familiales allemandes, commence à faire son entrée en France.

La délicate question de l’ouverture du capital à des managers extérieurs soulève parfois une levée de boucliers de la part des actionnaires familiaux qui ne souhaitent pas diluer leurs droits et érigent en dogme le principe du contrôle exclusif.

Repenser les organes de gouvernance

Au lieu de souvent se limiter à de simples restitutions d’informations, les conseils d’administration pourraient se saisir davantage de la gestion des talents au sein de l’entreprise familiale en construisant une véritable stratégie de développement du capital humain familial et non familial, au service de l’entreprise.

Les enjeux de capital humain doivent constituer une véritable pierre angulaire du travail du conseil d’administration. Dans ce domaine, encore trop d’entreprises attendent d’avoir atteint un point critique pour s’en préoccuper.

L’élaboration d’un plan de succession est souvent un moment favorable pour revoir ou organiser les règles de gouvernance entre l’actionnariat et le management. A cette occasion, la mise en place d’une gouvernance duale ou dissociée composée d’un conseil d’administration et d’une direction générale, permet au nouveau directeur de jouir d’une réelle autonomie et d’une grande latitude de décision. Parallèlement, via le conseil, les actionnaires peuvent mieux organiser le dialogue et le contrôle avec la direction générale, notamment lorsque celle-ci est assurée par un dirigeant externe.

Source Les Echos – Miruna Radu-Lefebvre

Choisir un livre de management

Les ouvrages qui valorisent un modèle d’action témoignent d’un style de leadership ou déchiffrent les dessous de grandes manoeuvres remportent un franc succès.

En phase avec les préoccupations des dirigeants d’entreprise et des managers, les livres consacrés au management, au leadership, aux pratiques de gestion ou à l’efficacité personnelle remportent un franc succès. Rien qu’aux Etats-Unis, 10.000 ouvrages de ce type sont publiés chaque année. En France, selon Electre/« Livre Hebdo », on dénombre 1.200 livres par an en gestion d’entreprise, dont 500 en management (leadership, ressources humaines, organisation, etc.).

Pour bien choisir vos lectures, ayez clairement en tête ce que vous recherchez : dans quel domaine souhaitez-vous progresser ? S’agit-il d’une thématique sectorielle comme le commerce en ligne ? Ou bien fonctionnelle telle que le marketing digital ? Intéressez-vous au parcours de l’auteur(e). Vous percevrez ainsi les contours de sa légitimité. Les avis en ligne sont utiles, à condition de leur ajouter les critiques des journaux et le bouche-à-oreille pour les relativiser. D’autant plus que, dans cette catégorie d’ouvrages, le pire et le meilleur se côtoient, rappelle le « Financial Times » dans un récent et grinçant édito titré « Pulp non-fiction ». Enfin, bien entendu, on n’y pense jamais assez, les libraires sont toujours là pour vous conseiller.

Les expériences de patrons

Les livres écrits par des patrons ou d’anciens patrons – qui, loin de l’autocélébration, confient leurs convictions profondes, comme l’a récemment fait Antoine Frérot dans « L’Entreprise de demain – Pour un nouveau récit » (Flammarion) – sont sans nul doute les plus recherchés. Ce qui intéresse alors les lecteurs, c’est que ces dirigeants écrivent, coécrivent ou fassent rédiger un ouvrage pour livrer des confidences, y parler de leurs expériences, de leurs pas de côté et surtout montrer une exemplarité. Certains opus, devenus des « classiques », se posent même en bible du management, à l’instar de « Ma vie de patron » de Jack Welch.

Salué notamment par Paul Polman, l’ancien CEO d’Unilever et aujourd’hui l’une des voix les plus écoutées sur la responsabilité sociale d’entreprise (RSE), « The Heart of Business », l’ouvrage d’Hubert Joly, l’ex-PDG de Best Buy, sorti en mai dernier aux Etats-Unis, a terminé l’année 2021 avec un tirage de plus de 60.000 exemplaires. Numéro trois des ventes dans le « Wall Street Journal », il est d’ores et déjà traduit en quinze langues. De passage à Paris, cette semaine, à l’occasion de la sortie de « L’Entreprise, une affaire de coeur » (Renaissance Plon), la version française de son ouvrage, Hubert Joly reconnaît être lui-même « un avide lecteur, curieux d’apprendre et de découvrir », aujourd’hui comme du temps où il était dirigeant. « Lire participe de ce nécessaire travail sur soi du dirigeant. Un travail d’exercice de la pensée critique, de compréhension du monde dans sa complexité et de prise de recul », abonde Florence Tondu-Mélique, PDG de Zurich France, dont l’inspiration dépasse « les seuls ouvrages dédiés au management et au leadership ».

Le rôle des leaders change. « Plus que jamais, les leaders doivent savoir écouter et apprendre. S’ils se limitent à livrer des résultats en ne s’appuyant que sur ce qu’ils savent, ils ne vont pas pouvoir aller très loin », prévient Hubert Joly, devenu auteur, professeur à Harvard et coach ou mentor de plusieurs dirigeants. « Du reste, l’un d’eux m’a confié que 50 % de ce qu’il fait correspond à des domaines dont il ne s’occupait pas il y a cinq ans ».

Quand 67 % des Français attendent des chefs d’entreprise qu’ils interviennent en relais du gouvernement, selon un baromètre Edelmann, le rôle sociétal de l’entreprise croît nécessairement en proportion. Bien commun, enjeux environnementaux, parties prenantes, RSE, impact… sont alors autant de mots qui viennent enrichir les actions et le vocabulaire de leurs dirigeants.

Le retour en grâce de l’humain

Dans le même temps, la montée en puissance des technologies suscite aussi le retour en grâce de l’humain. Quant à l’imprévisibilité du monde, elle ne manque pas non plus de placer les sujets géopolitiques en haut des agendas des directions générales. De quoi expliquer, outre ceux de patrons, le succès d’ouvrages qui font émerger de nouveaux principes d’action, comme « Bienvenue en incertitude ! » (Diateino), décryptent des modes de prise de décision (« Noise » chez Odile Jacob, 2021), un style de management ou encore les dessous de grandes manoeuvres.

Tous abordent, rappelle Delphine Lévêque, directrice éditoriale économie-gestion-management chez Dunod, trois grandes catégories de sujets : les classiques domaines de compétences comme la vente ou la finance, les « soft skills » ou aptitudes comportementales et les thèmes liés à la complexité. Sans compter, les livres de développement personnel ou quasi philosophiques, eux aussi destinés à un public « business ».

Dans tous ces opus, là encore, les lecteurs espèrent trouver l’appréciation d’une situation similaire à la leur, des tuyaux et des idées nouvelles. « En matière de management et de leadership, il n’existe pas de solutions préconçues ou clés en main ; c’est avant tout la réflexion et le questionnement que fait naître un ouvrage qui est utile. Davantage que le ‘fast management reading’, les ouvrages qui traversent le temps et les siècles font, à ce titre, partie du premier cercle de mes choix de lecture », conclut Florence Tondu-Mélique.

Source Les Echos – Muriel Jasor

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