L’index égalité professionnelle femmes-hommes est-il efficace ?

NCLUSION // Nécessaire d’un point de vue éthique, cette obligation instaurée avec la loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » de septembre 2018 n’est cependant pas suffisante.

Hier, 1er mars, était la date butoir pour que les entreprises publient leur index égalité professionnelle de l’année précédente. D’une note maximum de 100, ce dernier – calculé en interne ou par un cabinet indépendant et certifié sur la base de 5 critères – mesure les écarts de traitement entre hommes et femmes (rémunération, augmentations individuelles, promotions, augmentations au retour de congé maternité, parité dans les 10 plus hautes rémunérations…).

Absolument nécessaire d’un point de vue inclusif et éthique, cette obligation – instaurée avec la loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » de septembre 2018 – ne suffit cependant pas à améliorer la place des femmes au travail et à rétablir une égalité salariale, il importe d’aller plus loin pour instaurer un véritable plan d’action.

Gare aux excès de publicité

La valeur moyenne de l’index égalité professionnelle est passée de 84 sur 100 en 2020 à 86 sur 100 en 2022, après une progression d’un point en un an, lit-on sur le site du ministère du Travail.

« Des progrès sont en cours, et il est positif que les entreprises fassent preuve de transparence en la matière », estime Nelly Morice, « avocat of counsel » du cabinet Capstan, qui a participé à la mise en place du dispositif dont « l’idée est de parvenir à traduire dans les faits qu’à travail égal, il y a bien salaire égal ». Le ministère du Travail devrait donner les résultats d’une dernière rafale de publications peu avant ou le jour même de la journée internationale des droits des femmes du 8 mars prochain. Un moment que les entreprises les mieux notées n’hésitent pas à surmédiatiser. « Attention aux excès de publicité : ces entreprises sont-elles certaines de n’avoir aucun loupé ? avertit François Yang, avocat chez Capstan. L’index doit s’inscrire dans un esprit de responsabilité sociale d’entreprise qui rend telle organisation ou telle autre attractive. », poursuit Nelly Morice.

Des mesures de correction (à moins de 85 points) ou encore des sanctions (à moins de 75 points) allant jusqu’à 1 % de la masse salariale sont prévues. Jusqu’ici l’administration a surtout procédé à des mises en demeure – moins de 300, dont 85 % pour non-publication de l’index, et 11 % pour inaction. Très peu ont dû passer à la caisse. Quant au délit d’entrave (7.500 euros d’amende), il est avéré si les indicateurs liés aux écarts de rémunération entre les femmes et les hommes et les actions mises en oeuvre pour les supprimer n’ont pas été transmis aux élus.

Des biais dans la démarche

« Mais pour vraiment corriger les déséquilibres, il faudrait procéder à des analyses bien plus fines : par métier, grade, ancienneté, classifications internes ou niveaux de diplômes. Pour ensuite aider les entreprises à comprendre les causes des écarts et à modifier leurs processus RH, d’embauche, de performance. » estime Steve Farrugia, consultant en égalité professionnelle chez WTW. Départ de plusieurs collaborateurs dans des entités à petits effectifs, embauches, changement de groupe d’âges, secteur peu féminisé… La démarche n’est pas non plus exempte de biais. « Pour son calcul, l’index retient les salariés présents six mois dans l’année. Or il suffit, dans une entreprise à effectifs réduits, que deux femmes se retrouvent en congé de maternité en même temps, avec plus de six mois d’absence, pour ne plus figurer dans les statistiques et faire chuter l’index d’une entreprise », illustre Steve Farrugia. L’indicateur des hausses de salaire des femmes en congé maternité est justement un de ceux qui posent le plus problème, avec la part des femmes dirigeantes dans les 10 plus hautes rémunérations. Les dernières statistiques avaient épinglé 11 % de sociétés en faute sur le premier point. Pour corriger partiellement le second, la loi Rixain du 24 décembre 2021 sur les entreprises d’au moins 1.000 salariés (50 pour l’index) donne rendez-vous en mars 2026 pour atteindre 30 % de femmes dans les instances dirigeantes et 2029 pour 40 %.

L’index d’égalité professionnelle, un modèle pour le projet d’index senior ? « Contribution Delalande, contrat de génération… Beaucoup de tentatives ont échoué, remarquent les deux avocats de Capstan. Il faudrait des éléments différents et non pas copier-coller un dispositif qui marche dans un autre contexte. » La finalité de la démarche est similaire – réparer des inégalités qui n’ont pas lieu d’être – mais il serait trop simpliste d’imaginer remplacer le genre par l’âge.

Source Les Echos – Muriel Jasor

De l’art subtil de conduire le changement

Quand on est dirigeant, la conduite du changement est une affaire compliquée. On a beau être persuadé qu’il faut bouger, c’est toujours plus rassurant de repérer, dans son équipe, les premiers signaux d’envie, voire d’impatience. Rien n’est pire, en effet, que de lancer les hostilités et de se retrouver tout seul en rase campagne.

Pour bien démarrer, un premier essai avec des collaborateurs de bonne volonté s’impose pour partager ses intentions avec eux et solliciter leurs conseils. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ils ne font pas forcément partie du premier cercle avec lequel on travaille tous les jours. Ceux-là n’ont pas toujours intérêt à voir s’opérer le changement qu’on appelle de ses voeux.

L’envie de bousculer les choses

Il vaut mieux choisir de vrais pionniers, des collaborateurs ingénieux, qui ont déjà engagé des changements, petits ou grands, au sein de leur équipe ou de leur collectif de travail, le plus souvent, à l’abri des regards.

Lancer un appel à participer à un premier projet novateur va permettre de les identifier. Le plus important n’est pas la fonction qu’ils exercent, mais la personne qu’ils sont. Ce sont des gens qui aiment prendre des risques et qui suscitent le plus souvent l’entraide de leur communauté. Ils occupent diverses places dans la hiérarchie, et ont en commun l’envie de bousculer les choses. Ils attendent de leur dirigeant du courage et de la confiance. Ils sauront la récompenser par leur engagement.

Passé cette première étape, l’essentiel reste à faire : convaincre tous les autres d’emprunter, eux aussi, le chemin défriché par les pionniers, faute de quoi ces derniers s’essouffleront, et le soufflé retombera. C’est généralement là que le malentendu peut s’installer. Ne voyant rien venir, on se lamente que personne ne prenne d’initiative.

Le rôle du chef est d’autoriser

Il faut qu’à nouveau quelqu’un donne l’exemple pour que les autres lui emboîtent le pas. On peut même penser que si la première fois n’est pas très réussie et que personne n’y trouve à redire, le signal sera enfin capté.

C’est parce qu’on observe un réel changement dans la posture de son chef qu’on comprend que les choses bougent vraiment. Parce qu’on a souvent pensé que le rôle des chefs était d’interdire, il importe que ce soit eux qui tordent le cou aux croyances limitantes. À eux d’autoriser.

Il y a forcément des initiatives malheureuses au milieu de transformations réussies. Il faut même en passer par là pour éprouver la justesse des actions qu’on conduit. Aux chefs qui veulent conduire le changement, il est interdit de ne pas essayer.

Source Les Echos – Bénédicte Tiloy

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