Le Covid-19 impose de nouvelles règles du jeu aux organisations

Garantir la santé des collaborateurs, gérer le chômage partiel, préserver la trésorerie, réorienter l’activité… Les entreprises prennent de lourdes décisions, sur tous les fronts – avec une primauté pour les ressources humaines -, pour faire face à la crise du coronavirus.

Avec le tsunami sanitaire, un leitmotiv est revenu dans de nombreuses entreprises : « People first ! », ont proclamé grands groupes et PME. La santé et la situation en emploi des collaborateurs se sont, de fait, imposées comme les premiers dossiers à traiter. Puis, très vite, sont venus ceux de la trésorerie, voire de l’activité même, avec réaiguillage des opérations et/ou reprise dégradée. Le point sur ce qui a été mis en place.

Santé et sécurité : renforcer les dispositifs

La pandémie de Covid-19 a remis au coeur des entreprises l’impérieuse nécessité de prendre soin de ses salariés, au-delà de l’obligation d’assurer la sécurité et la santé imposée par le Code du travail. « La tension est constante pour maintenir le collectif, ne pas sur ou sous-solliciter les collaborateurs. Un bon dosage est à trouver », confirme Claire Degueil, DRH du voyagiste Evaneos. Letélétravail impose de laisser place à une certaine autonomie des collaborateurs tout en veillant au risque de burn-out.

Dès le 14 mars, la Macif – dont 60 % des salariés sont en télétravail – a mis en place un Numéro vert tenu par les collaborateurs RH pour répondre aux questions administratives. La cellule d’assistance sociale et de soutien psychologique qui existait déjà a été complétée par un dispositif de soutien scolaire aux enfants. « Quand bien même ces dispositifs sont orchestrés par la DRH, tout ce qui est dit est anonyme. Nous avons uniquement connaissance des sujets abordés, avec une vigilance particulière sur les risques de violences et d’addictions », précise Valérie Sclavon-Perronnet, DRH du groupe. Dans d’autres entreprises, les responsables des ressources humaines ont pris l’initiative d’appeler les personnes en chômage partiel afin de garder un lien.

Plan d’activité partielle : s’appuyer sur les managers

Fin avril, on dénombre près de 10 millions de salariés au chômage partiel. En lien étroit avec la direction générale, les DRH ont, non sans mal, élaboré un plan d’activité partielle, fait le point sur les collaborateurs susceptibles de pouvoir télétravailler et ceux dispensés d’activité. « Il leur a été demandé d’assurer la continuité de l’activité et ils l’ont fait », se réjouit Audrey Richard, présidente de l’Association nationales des DRH (ANDRH). Les managers se sont aussi avérés être de précieuses courroies de transmission pour faire comprendre les choix.

Chez Evaneos, décision a d’abord été prise de lancer un plan de solidarité entre les 200 salariés, mais une fois l’entreprise confinée, avec plus aucun départ de France possible, le chômage partiel est devenu la seule solution. « Nous sommes intervenus sur un sujet très technique » reconnaît Claire Degueil, elle-même en activité partielle comme l’ensemble du comité de direction. En quatre semaines, le voyagiste est passé du statut d’entreprise qui avait besoin de recruter une vingtaine de personnes à celui d’organisation réduite à 30 % de son activité.

Réduire les dépenses et trouver de nouveaux financements

Qu’elles puissent maintenir, ou non, tout ou partie de leur activité, les entreprises veillent à préserver leur liquidité. La plupart commencent, d’abord, par tailler dans leurs dépenses. Outre le recours au chômage partiel et au report de charges sociales et fiscales, de nombreuses sociétés, telles LafargeHolcim, Saint-Gobain ou Total, réduisent leurs plans d’investissement. « Le manque de visibilité et l’attention particulière accordée à la trésorerie nous ont poussés à mettre en attente certains projets de croissance externe, mais aussi de développement organique », abonde le directeur financier de Claranova, Sébastien Martin.

Et si ces coupes ne suffisent pas, à charge pour les grands argentiers de trouver de nouvelles sources de financement. Si certains, comme Aéroports de Paris, Air Liquide, Bouygues Telecom ou Engie, ont pu se tourner vers les marchés pour réaliser des émissions obligataires qui dépassent, à chaque fois, le milliard d’euros, d’autres ont sollicité leurs banquiers pour tirer sur une ligne de crédit syndiqué ou obtenir un nouvel emprunt. Là, deux choix s’offrent à eux : contracter une dette classique ou négocier un prêt garanti par l’Etat (PGE), à l’image de FNAC Darty ou de Pierre & Vacances.

Dans tous les cas, les directeurs financiers doivent être armés de business plans très solides, fondés sur plusieurs scénarios de reprise pour convaincre les banques, parfois réticentes. En cas de difficultés, le médiateur du crédit de la Banque de France pourrait leur apporter une aide précieuse. « Il est également crucial d’être très transparent avec ses investisseurs pour les rassurer, au cours de road shows virtuels, sur la gestion de la crise, et leur montrer que l’on pense déjà à l’après et aux opportunités qui se dessinent », ajoute Sébastien Martin.

Oser les nouvelles activitéset miser sur la collaboration  avec l’écosystème

« Le 17 mars, c’est simple, tout s’est arrêté : en 24 heures, les commandes ont chuté de 90 % », raconte Arnaud Barral, le directeur général d’EOL Group, un fabricant de meubles de bureau made in France. Une fois la mise au chômage partiel de 290 des 300 salariés actée et les demandes de financement lancées, « nous nous sommes mis en demeure de trouver de nouveau débouchés pour que l’entreprise continue d’exister », explique le dirigeant. Ce seront des écrans de protection en Plexiglas : « Le 7 avril, ils étaient sur notre chaîne de production adaptée, soit 48 heures après en avoir eu l’idée et dessiné une ébauche. » En quinze jours, 10.000 unités seront produites. Une conduite à retenir dans la tourmente ? « Nous avons pris des risques », analyse le dirigeant. En 24 heures, la Caisse d’Epargne s’est décidée et a passé commande. Le nouveau produit a permis de regagner 15 % d’activité et de remettre au travail une douzaine de salariés volontaires. Aujourd’hui, la PME, qui s’estime encore en sursis, développe un système d’ouverture de porte avec les pieds.

Dans les grands groupes aussi, la direction des opérations s’est faite agile. Michelin, Air Liquide, PSA et autres champions du CAC 40, se sont mis à la fabrication de masques, de respirateurs ou de gel hydroalcoolique. « Il a fallu commander les lignes et choisir les sites dans lesquels serait lancée la production », témoigne l’un de ces COO. Des mises en places inédites, et un état d’esprit : « De la solidarité et de la collaboration intersociétés, parfois même avec des concurrents », confie ce dernier. Une attitude confirmée par Hanna Moukanas, associé d’Oliver Wyman : « Les COO que nous suivons soulignent cette entraide ; ils disent qu’ils partagent avec leurs clients et leurs fournisseurs des éléments qu’ils n’avaient jamais partagés auparavant. » Un directeur des opérations du secteur automobile a ainsi tenu un webinaire avec ses 1.000 principaux fournisseurs, et échangé des informations inédites, y compris dans la répartition de la marge. Objectif : épargner les sous-traitants. Ils seront essentiels à l’heure de la reprise.

Source Les Echos

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