Comment l’Amérique est passée du « casual friday » au « casual everyday »

Les costumes-cravates disparaissent dans les entreprises américaines au profit des « yoga pants ». Le « casual everyday » reflète notamment des changements d’organisation dans les entreprises.

Plusieurs fois par an, le comité exécutif d’une grande société française débarque à Parisoma, un espace de co-working dans le centre de San Francisco, pour une « learning expedition ». Les dirigeants en costume observent alors avec étonnement les dizaines de jeunes techies en leggings et baskets au milieu des tables de ping-pong et des chiens haletants. Aucune cravate n’est en vue et certains ont même fait tomber les chaussettes.

En Californie, le « yoga pant » ne se porte plus seulement pour prendre la posture du lotus et faire des salutations au soleil. Désormais accepté comme tenue pour faire ses courses ou aller au restaurant, ce caleçon moulant est de plus en plus présent au travail, souvent accompagné d’autres pièces pensées pour une pratique sportive, comme les pulls Patagonia et les sacs à dos Topo Designs.

Dans les entreprises de la Valley, il est même devenu suspicieux de trop bien s’habiller : « Nous avons rencontré beaucoup de femmes dans la tech qui nous disaient ‘je ne veux pas aller travailler en jeans et en hoodie, mais si je m’habille de manière trop formelle, les gens pensent que j’ai un entretien dans une autre entreprise’ ».

« Dress codes » moins stricts

Les tenues sportives ne sont pas encore acceptées partout et certainement pas dans les métiers de la finance et du droit, mais le dress code y est de moins en moins strict. « En quelques années, le sens de casual friday a évolué de ‘venez sans cravate’ à ‘venez en jean’ », raconte le salarié d’une grande banque à Los Angeles. Surtout, les vêtements confortables se limitent de moins en moins au dernier jour de la semaine. Après avoir autorisé ses ingénieurs à s’habiller de manière plus informelle il y a deux ans, Goldman Sachs a annoncé en mars que le costume-cravate était désormais optionnel pour tous ses salariés. Dès 2009, la PDG de General Motors, avait réduit les dix pages de dressing code du constructeur automobile à une simple consigne : « Habillez vous de façon appropriée ». Target a adopté des règles plus flexibles en 2014, suivi de JPMorgan Chase et PwC en 2016, EY en 2017 et Walmart l’an dernier.

L’invasion des vêtements de la vie courante dans les entreprises reflète aussi de profonds changements dans leur fonctionnement. Celles-ci adoptent de plus en plus des modèles d’organisation horizontaux, moins hiérarchiques et formels. La croissance des échanges virtuels et du travail à distance, avec une frontière de plus en plus poreuse entre vie personnelle et professionnelle, alimente aussi cette tendance.

Levi’s, grand gagnant

Celle-ci profite surtout aux jeans, dont les ventes ont augmenté de 3 % en 2018, après 2 % en 2017, selon le cabinet NPD. « Il y a quelques années, un homme avait un ou deux jeans pour le week-end et rachetait le même modèle une fois qu’il était usé. Maintenant, il a tout une gamme avec différentes couleurs », explique le directeur de la branche distribution d’HSBC aux Etats-Unis.

Cette tendance profite à Levi Strauss, qui s’est réintroduit en Bourse avec succès en mars. De nouvelles marques haut de gamme, comme Frame Denim, créé en 2012, remportent aussi un franc succès. Pour concurrencer le succès des leggings, elles intègrent de plus en plus de fibres synthétiques comme le Spandex. Car les marques d’ « athleisure » multiplient les offensives sur ce terrain. «  Lululemon et Athleta ont lancé des pièces plus adaptées aux bureaux, comme des chemisiers dans les mêmes tissus que leurs offres athlétiques. Ils les vendent comme la tenue parfaite pour le travail, le voyage et les transports ».

Les fabricants de costumes, de tailleurs, de cravates, de ceintures et d’attachés-cases sont, eux, en difficulté. Le fabricant de costumes Tailored Brands a ainsi vu ses ventes reculer de 10 % au dernier trimestre. Autre victime collatérale : les fabricants de fers à repasser et les pressings. Les revenus de ces derniers sont passés de 11 à 9 milliards de dollars entre 2010 et 2018 aux Etats-Unis.

Source Les Echos

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