La double journée des femmes dirigeantes d’entreprise

Bpifrance Le Lab publie une étude sur l’équilibre entre vies familiale et professionnelle chez les cheffes d’entreprise. Elle confirme que le quotidien est plus compliqué pour les femmes, qui continuent d’assumer la gestion familiale.

Pas facile la vie de femmes dirigeantes. La double journée, ou l’art de jongler entre le bureau et la maison, est une réalité pour les femmes qui travaillent, et a fortiori encore plus pour celles qui sont cheffes d’entreprise. D’après une étude réalisée par bpifrance Le Lab sur l’équilibre entre vie de famille et vie entrepreneuriale, publiée fin novembre, et réalisée auprès de 1.640 dirigeant(e)s, la perception est loin d’être la même pour les hommes ou les femmes.

La répartition inégale des rôles a la vie dure. Malgré leur charge, le poids de l’intendance continue en grande majorité à incomber aux femmes. Ainsi, si neuf patrons sur dix délèguent cette tâche à leurs conjointes, chez les patronnes, seulement six sur dix peuvent en faire autant. « Autrement dit, 39 % des dirigeantes de PME-ETI doivent piloter leur entreprise la journée et gérer la vie de famille avant et après leurs horaires de bureau », pointe l’étude, « alors que cette double charge ne concerne que 10 % des dirigeants hommes. » Une partie de l’explication réside dans le fait que 88 % des femmes dirigeantes ont un conjoint qui travaille à plein temps, contre seulement 58 % des hommes. Mais ce chiffre ne fait pas tout.

Adapter l’agenda

La naissance des enfants est un élément de rupture. Elles sont 39 % de dirigeantes à dire que cet évènement a « remis en question » la manière de piloter l’entreprise, contre 27 % pour les hommes. Pour huit femmes sur dix, la maternité les a conduites à réadapter leur agenda, contre six hommes sur dix. « Les femmes sont sans cesse ramenées à cette question sur la gestion familiale, alors que ce devrait être aussi un sujet pour les hommes », regrette d’ailleurs Marie Eloy, présidente du réseau d’entrepreneuses Bouge ta Boîte.

Le prisme du genre agit aussi sur l’appui qu’apporte la sphère familiale dans les décisions professionnelles. Seulement 6 % des femmes estiment que leur conjoint ne saisit pas leurs enjeux de chefs d’entreprise. Ce chiffre est doublé (12 %) quand on interroge les hommes ! D’ailleurs sept femmes sur dix (contre à peine un plus de la moitié pour les hommes) s’appuient sur leur famille pour améliorer leurs prises de décision. « Les femmes sollicitent plus souvent les avis, elles parlent plus de leur travail à la maison, leur conjoint est donc plus au courant », argumente Elise Tissier. Globalement, les difficultés font que 36 % des dirigeantes ont déjà imaginé quitter l’entrepreneuriat pour une vie de famille plus adaptée, contre 28 % des dirigeants hommes.

« C’est une conséquence directe de cette conciliation plus difficile pour elles », souligne Elise Tissier. Leur équilibre avait d’ailleurs été particulièrement mis à mal pendant les confinements dus au Covid. « Cette période a été très dure pour elles, mais au final elles se sont remises, et très peu de femmes ont jeté l’éponge après, les femmes qui ont osé devenir dirigeantes, il en faut plus pour les faire douter » , estime Carine Rouvier, à la tête du réseau Femmes chefs d’entreprise (FCE).

Malgré ces obstacles, la majorité d’entre elles affichent le sourire. D’après l’étude, 76 % des dirigeantes sont satisfaites de la manière dont elles concilient vies familiale et entrepreneuriale. Un chiffre étonnant. C’est d’ailleurs le seul point où elles rejoignent à un tel niveau leurs homologues masculins (qui sont à 79 %). « Ce niveau de contentement élevé nous a d’abord surpris de leur part », reconnaît Elise Tissier, directrice de bpifrance Le Lab, « mais en fait, il ne nous dit pas que tout est simple ou rose. Bien sûr il y a des difficultés, mais c’est une vie choisie et qui leur va. »

A noter que les femmes ne représentent que 13 % de l’échantillon interrogé par bpifrance. Une proportion qui correspond à la réalité nationale. Selon une étude de KPMG datant de 2013, 14 % des dirigeantes d’entreprise de plus de 10 salariés sont des femmes (contre 12,8 % en 2003). Il est très difficile de trouver des chiffres fiables plus récents.

Source Les Echos – Marion Kindermans

Trois leçons de management à tirer de la victoire du XV de France

Le 20 novembre dernier, au Stade de France, devant 80.000 spectateurs, l’équipe de France de rugby a battu les All Blacks sur le score de 40 à 25. Depuis 2000, elle n’avait pas battu les Néo-Zélandais à domicile et restait sur 14 défaites d’affilée. Comment a-t-elle battu cette équipe, trois fois championne du monde ? Comment s’en inspirer pour développer, au quotidien, une meilleure version de nous-même et faire progresser le collectif dans nos entreprises ? Contre les All Blacks, les joueurs français sur le terrain étaient les meilleurs à leurs postes. Si notre équipe a gagné, c’est parce que nos joueurs étaient extrêmement compétents individuellement. Croire que la solution à tous nos problèmes passe par le collectif relève d’une mythologie attractive, mais mensongère. Trop souvent, dans nos organisations, nous survalorisons le collectif au détriment de l’individu et de son autonomie. Or avant d’être performant collectivement, il faut d’abord chercher, individuellement, à progresser sans cesse pour tangenter la perfection. L’exigence est une posture individuelle avant d’être collective. Il est tellement facile d’attendre des autres ce que nous ne faisons pas nous-mêmes. L’optimisme est une façon positive de voir le monde. Cette lecture influence nos choix au quotidien.

Du réalisme plutôt que de l’optimisme béat

Tous les joueurs français étaient ravis d’en découdre face aux All Blacks. Le plaisir du jeu surmontait la pression de l’enjeu. Nos joueurs ne sont pas tombés dans le piège de la pensée positive ou de la méthode Coué. Il ne suffit pas de vouloir pour pouvoir. Depuis mars 2020, date de déclenchement du premier confinement pour cause de pandémie de Covid-19, une démarche volontariste et positive est plus utile que de broyer du noir… en théorie sans doute, mais en pratique le réalisme est beaucoup plus efficace que l’optimisme béat. Soyons optimistes de volonté (« On peut le faire… ») mais pessimiste quant au chemin à emprunter (« … Mais cela ne sera pas facile »).

A douze minutes de la fin du match, notre ailier Damien Penaud intercepte une passe mal ajustée des All Blacks, file à l’essai et fait basculer le match en notre faveur. Est-ce de la chance ? Non. Nos joueurs ont étudié en vidéo les lancements de jeu favoris des Néo-Zélandais. Un joueur de rugby professionnel consacre 80 % de son temps de travail… à se préparer. Avec mon ami Christophe Urios, manager général de l’UBB (Union Bordeaux-Bègles), nous sommes toujours interloqués par le manque de préparation dans les entreprises. Le « Je vais le faire au feeling » sert de cache-misère à une périlleuse impréparation. Si vous échouez dans votre préparation, vous préparez votre échec. Le 8 septembre 2023, la Coupe du monde de rugby démarre par un match France-All Blacks. Saurons-nous nous inspirer de la devise affichée dans leurs vestiaires, à Auckland ? : « Etre meilleur ne s’arrête jamais. » Réponse dans 666 jours.

Source Les Echos – Frédéric Rey-Millet

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