Les PME contraintes d’accélérer sur la facturation électronique

La dématérialisation des factures entre entreprises a été précisée, avec de nouveaux textes sur les modalités et le calendrier. Dans moins de deux ans, les petites et moyennes entreprises devront être en mesure de recevoir les e-factures, et dans moins de quatre ans, de les envoyer ; le chantier n’est pas facile, mais les gains substantiels.

Parmi les multiples urgences que les TPE et les PME ont à gérer (énergie, matières premières, etc.), il est un chantier passé un peu dans l’ombre. Celui de la facturation électronique. Début octobre, l’exécutif a pourtant confirmé le calendrier et a précisé les modalités de la réforme.

Dans moins de deux ans, elles devront être en mesure de recevoir les e-factures, et dans moins de quatre ans, de les envoyer. Peu de chiffres existent sur leur avancée en la matière. Mais, selon le dernier baromètre de cet été sur la « dématérialisation des factures » réalisé par le spécialiste informatique Best Practices ​et l’éditeur Generix Group​, près d’un quart des entreprises n’ont pas connaissance du calendrier de la réforme, et le taux d’équipement stagne à 70 %. Le chantier est complexe. Mais il promet de grosses économies.

Quel est le calendrier ?

Depuis 2020, la facturation électronique s’impose à toutes les entreprises dans le cadre des marchés publics. Le bilan est encourageant : à ce jour, plus de 200 millions de factures dématérialisées ont été traitées sur Chorus Pro, la plateforme publique. La prochaine étape, qui se rapproche, concerne cette fois l’ensemble des échanges entre entreprises. Au total, marchés publics et privés confondus, 2 milliards de factures sont échangées par an. Le calendrier et les modalités de la dématérialisation ont été précisés par le décret du 7 octobre et son arrêté d’application, à la suite de la loi de finances rectificative pour 2022 (article 26), votée en août et qui jette les bases générales du dispositif.

Les dates butoirs approchent à grands pas. A partir du 1er juillet 2024, toutes les entreprises françaises, quelle que soit leur taille, doivent être en mesure de recevoir les factures dématérialisées de leurs partenaires. Initialement prévue pour 2023, cette obligation avait été décalée en septembre 2021 pour éviter de surcharger les entreprises déjà rincées par la pandémie. Mais aussi parce que les plus petites structures sont loin d’être prêtes. Concernant l’émission des factures, l’échéancier laisse un peu d’oxygène aux TPE-PME. Ce sera juillet 2024 pour les grands groupes, janvier 2025 pour les ETI et janvier 2026 pour les PME-TPE. « Aujourd’hui, les entreprises, et plutôt les grandes, commencent tout juste à regarder et à prendre conscience de l’échéancier. On en est au balbutiement », observe Christophe Radepont, associé du cabinet conseil Grant Thornton.

Quel est l’intérêt de cette réforme ?

Charges administratives allégées, gains de productivité… Bercy estime à 4,5 milliards d’euros le gain pour les TPE et PME. « Le coût de la facture est divisé par trois », détaille David Dogimont, associé du cabinet Mazars. Plus simple également, le préremplissage des déclarations de TVA. Et, selon le Médiateur des entreprises, Pierre Pelouzet : « C’est un formidable outil pour réduire les retards de paiement. »

La réforme a aussi d’énormes vertus pour les comptes de l’Etat, réduisant la fraude à la TVA. Pour quel montant ? « L’écart de TVA est estimé à environ 23 milliards d’euros en France, selon l’Insee, mais ce chiffre ne constitue pas une estimation satisfaisante de la fraude, puisqu’il intègre aussi d’autres pertes de recettes », souligne le ministère de l’Economie. Déjà mise en place dans une douzaine de pays de l’Union européenne, la facture électronique a rapporté en Italie 2 milliards d’euros de recettes supplémentaires de TVA entre 2018 et 2019.

Le sujet se limite-t-il à la facture ?

La réforme est bien plus globale. Elle concerne non seulement les échanges de factures avec les clients et fournisseurs mais aussi les données à fournir à l’administration fiscale. Un ensemble d’informations doivent être transmises à un rythme progressif : le montant, la TVA, bien sûr, mais aussi des éléments très précis comme la nature des échanges (biens ou services), l’adresse des livraisons, etc. Ces données doivent permettre à l’Etat d’avoir une meilleure connaissance, et en temps réel, de la vie des entreprises.

Deuxième volet de la réforme : l’obligation du « e-reporting ». Dans le cas de transactions avec des sociétés étrangères (où les règles de facturation françaises ne s’appliquent pas) ou avec des particuliers (il n’y a pas forcément de facture), les entreprises sont aussi invitées à transmettre des données sur leurs transactions. « Ces données sont nécessaires dans la perspective d’un préremplissage des déclarations de TVA », explique-t-on à Bercy.

Pourquoi ne faut-il pas tarder ?

Attention, chantier complexe ! Il s’agit d’abord de dresser un état des lieux de ses flux de factures, d’en faire une cartographie et de définir une stratégie. « C’est une erreur de penser qu’on ne parle que d’une connexion à une plateforme. C’est un projet d’importance avec de multiples impacts », prévient David Dogimont.

Les entreprises devront choisir leur outil et recourir soit à une (ou plusieurs) plateformes de dématérialisation partenaires (PDP) de l’administration – une dizaine, labellisées, devrait être retenue -, soit au portail public de facturation de l’Etat, Chorus Pro, qui s’occupe de traiter des factures du secteur public mais va s’ouvrir au privé. « Il y a aura donc une vraie stratégie à adopter : avec quelles plateformes je travaille ? quel prix je suis prêt à payer en fonction des services qu’elles me proposent ? comment je répartis mes fournisseurs selon les plateformes ? » explique Christophe Radepont.

Les PME sont-elles à ce point sous pression ?

La date butoir va arriver vite. Les PME sont donc fortement invitées à s’y mettre dès maintenant. Conscient de la complexité du sujet pour les petites et moyennes entreprises, l’Etat a toutefois lâché un peu de lest. Des assouplissements sont apportés dans les derniers textes. Par exemple, les données à fournir à l’administration seront échelonnées dans le temps (bimensuel plutôt que mensuel) et moins nombreuses que pour les grands groupes.

« Les PME sont sans doute le public le plus éloigné à ce jour de la dématérialisation », reconnaît-on à Bercy, qui assure leur proposer des « solutions simples permettant de passer à la facturation électronique et au e-reporting à coût contenu », grâce à la plateforme publique de facturation. De même, le PDF, qui devait disparaître initialement en 2026, sera toléré jusqu’à la fin de 2027. Manière de décaler le couperet de la facturation électronique d’un an pour les TPE-PME.

Les chiffres clés

2 milliards de factures sont échangées par an, marchés publics et privés confondus.

4,5 milliards d’euros

Le gain estimé par le ministère de l’Economie et des Finances pour les TPE et PME.

Source Les Echos Marion Kindermans

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