L’engagement et le bien-être des salariés, une priorité
Pour la directrice des ressources humaines du groupe AXA, la vie personnelle d’un ou d’une salarié(e) a un impact sur son travail et il convient de l’épauler en cas de difficultés.
Les entreprises mettent tout en oeuvre pour attirer et retenir les talents. Toutes comprennent, qu’à elles seules, l’image et la marque employeur ne suffisent plus à garantir une promesse à des collaborateurs, qui désormais exigent des preuves des bonnes intentions des organisations à l’égard de leur bien-être physique, mental et social. Des salariés dont les attentes sont, du reste, bien difficiles à appréhender tant ils souhaitent tout à la fois « plus » (des aides concrètes, du soutien psychologique) et « moins » (de la flexibilité, du télétravail) d’entreprise dans leur existence. En générant de la tension sur les recrutements, le marché dit aujourd’hui « de candidats » a naturellement poussé les organisations à s’intéresser à des sujets auxquels elles n’accordaient guère d’attention auparavant… Sauf qu’un ou une salarié(e) qui dépense une énergie folle à jongler avec son emploi du temps pour soutenir un parent vieillissant dépendant ou encore pour suivre un traitement d’aide à la fécondité alourdit considérablement sa charge mentale. Et met indirectement à mal… sa productivité. De nombreux groupes – Carrefour, AXA, Barilla, Publicis, Orange, Veolia, Safran, Sodexo… – l’ont compris
« Diminuer la charge psychologique et physique »
Début octobre, AXA s’est mobilisé sur de multiples créneaux. Aide aux aidants, violence faite aux femmes, parentalité, problèmes de ménopause et d’andropause… L’assureur mondial a déroulé une panoplie de mesures en matière de santé (sa politique mondiale en la matière remonte à 2020) et de bien-être à l’attention de ses 120.000 collaborateurs dans le monde – d’un âge moyen de 46 ans -, le tout assorti de possibilités inédites de congés.
« J’ai ressenti le stress qu’éprouve 30 % de Français quand il s’est agi, pour moi, en 2018, de régulièrement rendre visite à ma soeur, malade d’un cancer, à l’hôpital Gustave Roussy », témoigne Karima Silvent, la directrice des ressources humaines (DRH) groupe d’AXA qui prévoit jusqu’à dix demi-journées de congés par an afin de « diminuer la charge psychologique et physique » des salariés aidants. « Onze millions d’aidants en France, 100 millions en Europe… Un dispositif de protection existait déjà en France depuis 2020. Nous l’avons étendu aux aidants du monde entier. Car, la vie personnelle d’un ou d’une salarié(e) a nécessairement un impact sur son travail et il convient de l’épauler en cas de situations difficiles », précise la DRH qui se dit soucieuse de créer un environnement où les personnes, si elles le souhaitent, peuvent se confier. « Les 50 plus hauts dirigeants du groupe ont été formés aux problématiques de santé mentale et de sécurité psychologique avec Kathy Pike, une professeure de l’université de Columbia. »
De quoi doper l’engagement des équipes au sein d’un groupe qui s’adonne déjà à trois enquêtes d’engagement par an, avec un taux de réponse de 75 à 80 %. « Nous n’hésitons pas à creuser, par groupe de 10 à 20 personnes, certains sujets : pourquoi les salariés restent chez AXA, ce qui les préoccupe, les motive, les inspire, les engage… », poursuit Karima Silvent, satisfaite d’un taux de rotation du personnel plafonné à 3 % et 5 % en France et en Europe et d’un taux d’absentéisme limité à 3,9 % en France.
« Autant de dispositifs qui se posent en drivers d’engagement, en éléments de différenciation et en atouts de recrutement », estime la DRH qui travaillait, dès avant l’apparition du Covid, à améliorer le travail hybride grâce à des accords d’équipe sur l’organisation précise du travail et à épauler les salariés dans leur souci de concilier et équilibrer leurs vies privée et professionnelle. « La flexibilité est aussi une marque de confiance. N’oublions pas que les salariés rejoignent le groupe, mais aussi un manager et une équipe, que les potentielles recrues demandent, du reste, le plus souvent à rencontrer », rappelle-t-elle.
Quant à l’intelligence artificielle (IA), elle devrait susciter les organisations à se lancer dans des investissements colossaux. « C’est le cas pour AXA [qui ne chiffre pas son investissement, NDLR], entre maintenant et 2026, afin que l’IA prenne en charge et modernise une partie des outils de gestion de la mobilité et des carrières. En partenariat avec Microsoft, un Secure GPT interne nous permet d’ores et déjà, sur les sujets RH, d’apprendre, par exemple, à prompter et à construire des cas d’usage », explique Karima Silvent qui travaille étroitement avec la direction des systèmes d’information depuis trois ou quatre ans.
Phénomène à noter : au sein d’organisations technologiques, DRH et DSI constituent parfois une même personne et on voit monter en puissance des DRH avec un parcours informatique.
Source Les Echos – Muriel Jasor
Bien décider en situation de crise permanente ou successive
Rien ne semble plus naturel aux décideurs que de trancher, c’est même leur raison d’être. Franchir le Rubicon génère une fatigue physique, si bien que certains hommes et femmes réduisent drastiquement le nombre de décisions à prendre pour optimiserl’exercice du pouvoir. Certains entrepreneurs revêtent toujours le même style de vêtements pour ne pas entamer leur énergie décisionnelle dès le matin. Ils délèguent aussi un maximum de petites décisions du quotidien, à l’image de l’ex-Président américain Barack Obama qui ne décidait jamais rien concernant son alimentation.Si prendre des décisions fatigue, que se passe-t-il dans les situations de « permacrise » (de régime de crise permanent) ou « polycrises » (où les crises s’enchaînent et s’aggravent mutuellement, les solutions de l’une aggravant les autres) ? Doit-on décider tous azimuts, par petites touches, pour rester ajusté à un monde qui change ? Ou bien décider avec parcimonie en gardant une certaine « grâce » même sous la pression ?
Les décideurs confrontés à deux écueils
Dans un monde complexe et ambigu, désormais non linéaire et anxiogène, deux écueils au moins se présentent aux décideurs. Le premier ? Décider sous le coup de l’émotion. Comme souvent, dans la prise de décision, en entreprise comme en politique, ce n’est pas tant la décision qui est critiquée que la façon dont elle est prise. Pour ne pas se risquer, ce que l’on pourrait qualifier d’« immaîtrise décisionnelle », le mieux pour le dirigeant est de s’allouer des temps de pause réflexive.
La capacité à laisser passer l’émotion requiert à la fois du self-control et une résistance aux diverses pressions, y compris aux émotions des autres. C’est bien à cela que l’on reconnaît le décideur : il agit en fonction de sa raison d’être, sa stratégie et ses valeurs dans une temporalité qu’il va maîtriser.
Second écueil : la décision « à la petite semaine ». Celui qui tranche est alors tenté de rester dans le contrôle de la situation pour ne pas perdre en autorité. En réalité, il n’agit pas, il réagit. C’est sans doute une stratégie pertinente puisque tout vaut mieux que l’indécision, selon Napoléon 1er : « Les batailles se perdent par indécision ou excès de prudence. » Mais encore faut-il décider au « juste niveau ». La décision stratégique revient au chef, les décisions tactiques et opérationnelles, plus rarement. Ainsi, est-il surprenant, dans un contexte de polycrises, de voir le président de la République s’occuper de harcèlement dans les écoles, court-circuitant ainsi d’autres niveaux de décisions plus légitimes et proches du terrain. Libérer de l’espace mental est clé pour établir des décisions stratégiques. La prise de hauteur est difficilement compatible avec la polydécision.
L’énergie requise pour la prise de décision est intense. Le repos, la prise de recul, le self-control, le tri dans la qualité et le tempo des décisions devraient être l’obsession du décideur, soucieux de ne pas perdre le contrôle de lui-même comme de la situation.
Source Les Echos – Marine Balansard
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