La disparition spontanée, l’autre cauchemar du DRH

La remise en cause du management se traduit par une multiplication des démissions, voire des abandons de poste.

Dans la galerie des cauchemars du DRH, il y a le salarié « zombie », présent seulement physiquement dans l’entreprise. Mais il y a pire : le salarié « fantôme », celui qui peut disparaître du jour au lendemain, avant même, parfois, que son embauche ne soit définitive. Déjà connu au sein des filières réputées difficiles (le bâtiment ou la restauration), le phénomène – désigné sous le terme de ghosting dans les pays anglo-saxons – a gagné avec la crise sanitaire, du terrain dans les professions tertiaires, y compris chez les cadres.

Selon les cabinets RH, la pratique concernerait désormais au moins un profil sur dix dans les secteurs traditionnels, bien plus dans les métiers ultrademandés, comme les développeurs informatiques. Problème : ces phénomènes de disparition spontanée se poursuivent une fois le salarié en poste. La situation peut rapidement tourner à l’enfer pour les dirigeants de PME, qui privés de leur salarié, doivent en outre multiplier les démarches juridiques chronophages pour licencier… le « démissionnaire ».

Un profil sur dix

Si les entreprises se refusent souvent à en parler ouvertement, les témoignages de cas se multiplient sur LinkedIn depuis la fin de la crise sanitaire. Ainsi de ce responsable RH ayant appris – par téléphone – qu’un salarié en télétravail ne pourrait revenir au bureau, celui-ci ayant déménagé en Outre-mer. Ou cet autre, qui découvre la voiture de son commercial garée sur le parking, ordinateur dans le coffre, sans plus d’explication.

Sans compter les multiples anecdotes de recruteurs s’étant fait « poser un lapin » le jour de l’entretien. « Un de mes clients dans l’hôtellerie-restauration a récemment retenu deux candidats pour un poste d’accueil. Aucun n’est venu à l’entretien, sans même prendre la peine de prévenir », témoigne un responsable parisien d’une agence de communication.

Selon les observateurs, la crise, et désormais la guerre aux portes de l’Europe, ont rebattu les cartes de la hiérarchie des valeurs en entreprise et contribué à « une prise de distance, tout en reposant la question du sens du travail », selon Isabelle Barth, professeure de sciences de la gestion, à l’université de Strasbourg et animatrice de la chaîne Stratégie et management de Xerfi Canal.

Dans les deux sens

Pour la chercheuse, le phénomène illustre une « forme de revanche » des salariés, dans un contexte d’emploi plus favorable, vis-à-vis de managers aux méthodes discutables. « Combien de postulants ne reçoivent même pas une réponse lors d’une candidature ? Le ghosting s’exerce dans les deux sens », insiste Isabelle Barth, qui note également la transformation chez les jeunes des références, les rôles modèles dans le langage managérial.

« Les influenceurs ou les streamers imposent de plus en plus l’image de métiers passion, sans effort apparent, qui changent le rapport à la valeur travail. Les managers doivent le prendre en compte. »

Source Les Echos G.R.

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