Le Covid éprouve l’intelligence émotionnelle des leaders
« SOFT SKILLS »Les dirigeants ont tendance à se focaliser sur la prise de décision, le raisonnement critique et le pilotage par les résultats. Mais pour répondre à la crise du Covid et motiver tout un collectif, l’intelligence logique, analytique comme pratique ne suffit plus.
Pas de troisième confinement pour le moment, a annoncé, vendredi dernier, le Premier ministre Jean Castex. L’exécutif, qui donne sa chance – et c’est nouveau – à la responsabilisation de chacun, fait ainsi le pari de la confiance et d’une certaine forme d’empathie. Des qualités plébiscitées par beaucoup, en ces temps de crise sanitaire et économique, nous apprend une toute récente étude du Boston Consulting Group (BCG), que « Les Echos » a obtenue en exclusivité. Réalisée sur la base d’une enquête BVA auprès de 4.000 actifs, du 19 octobre au 13 novembre 2020, en France, en Espagne, au Royaume-Uni et en Allemagne, elle aurait dû être dévoilée à l’occasion des entretiens de Royaumont.
Le « coeur » est stratégique
« Quand vous atteignez le sommet d’une organisation, les exigences de la fonction n’augmentent pas proportionnellement, elles croissent de manière exponentielle », avait constaté Indra Nooyi, une fois devenue PDG de PepsiCo. La liste des exigences, notamment de transparence de l’information, s’est encore étoffée depuis 2020, selon l’enquête BCG. Les sondés attendent des leaders qu’ils expriment de la considération (37 %) et de l’empathie (33 %), qu’ils soient capables d’écoute (31 %) et qu’ils développent les talents de leurs équipes (29 %). Des aptitudes comportementales ou « soft skills » d’autant mieux exprimées s’ils savent aussi prendre du recul sur eux-mêmes (26 %), s’adapter aux changements perpétuels et gérer l’incertitude. Bien entendu s’y ajoute la capacité à bien communiquer, qu’il s’agisse d’enrôler le collectif de travail comme de l’informer de la santé financière de l’entreprise.
Le souci est que les entreprises et leurs dirigeants tendent surtout à privilégier l’élaboration de la stratégie et son exécution – autrement dit, à « donner la priorité à la tête – le cerveau gauche surtout, NDLR – et aux mains », résume l’étude. Or, en contexte sanitaire et économique aussi imprévisible, il est crucial d’impliquer émotionnellement ses collaborateurs dans une ambition collective pour susciter leur engagement et ainsi doper la performance collective. « Il s’agit de faire montre de qualités humaines – donc de coeur – dans la façon de diriger. Le coeur, jusqu’ici négligé par les entreprises au profit de la tête et des mains, n’a jamais été aussi stratégique qu’aujourd’hui », prévient Marie Humblot-Ferrero, directrice associée au BCG. Mais si les plus habiles à actionner, de concert, le coeur, la tête et les mains ont bien plus de chances de réussir à transformer durablement leur organisation que les autres, ils ne sont pas légion. Quand 27 % des personnes interrogées citent, en modèle de leadership, un Bill Gates ou un Steve Jobs, 34 % indiquent trouver leur source d’inspiration au sein de leur famille et de leur cercle amical, 31 % parmi des personnalités promotrices de grandes causes (Nelson Mandela, Dalaï Lama), tandis que d’autres (30 %) se réfèrent à des personnages historiques (Churchill, de Gaulle) ou encore à la chancelière allemande Angela Merkel.
11% jugent le leadership inné
Quasi-absence de modèles inspirants issus de l’entreprise, environnement volatil, complications internes inutiles en réponse à la complexité ambiante… 13 % de non-managers – une constante depuis cinq ans -, n’aspirent pas à grimper dans la hiérarchie. Cela, d’autant moins que 11 % des sondés estiment que le leadership est inné. De quoi décourager ! Ceux qui, au contraire, le jugent partiellement inné (64 %) et les autres tablent, pour le développer, sur des programmes de formation constante (« upskilling ») et les vertus d’un travail hybride susceptible de tout à la fois doper performance, résilience et bien-être collectifs. Ils s’appuient aussi sur la raison d’être de l’entreprise pour redonner du sens aux missions des collaborateurs, et mieux se connecter aux clients et aux autres parties prenantes.
Pour répondre aux disruptions nées de la crise, générer la confiance des équipes s’impose. Cela nécessite d’appeler à la rescousse l’intelligence émotionnelle des leaders, donc leur coeur pour l’empathie et l’éthique ainsi que leur cerveau droit pour l’intuition, la créativité et bien d’autres qualités. C’est urgent, car nous ne parlons pas, ici, d’une énième lubie de théoriciens du management, mais bien d’un tournant impératif permettant de contribuer à la pérennité des organisations.
Source Les Echos – Muriel Jasor
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