Les métamorphoses du travail ne font que commencer

ransformationIl revient aux entreprises de répondre aux besoins inédits des collaborateurs, de ressouder les équipes et de prendre part aux grands défis du siècle. Vaste programme…

Nous sommes déjà en 2025, à en croire les experts qui se penchent sur le futur du travail. En accélérant des mutations professionnelles en préparation, la pandémie de Covid-19 les a rendues légitimes aux yeux des dirigeants d’entreprise. A tel point qu’à présent nombre d’organisations cherchent à se transformer pour mieux assumer leurs nouvelles responsabilités.

Car il leur revient non seulement de répondre aux besoins inédits des collaborateurs (télétravail, plus de « feedback », d’individualisation, etc.), mais aussi d’accompagner – ni plus ni moins – les grands défis du siècle, comme la lutte contre le réchauffement climatique et les inégalités. Pas une sinécure.

Cinq ruptures en cours

En cette période de transformation technologique et sociétale, les symposiums et études sur le télétravail, l’organisation hybride (un mix de travail sur site et à distance), le nouveau rôle des sièges sociaux et autres aspirations à la « grande démission » et à quitter Paris se multiplient. Une nouvelle étude, menée par le cabinet de conseil en stratégie Bain & Company auprès de 20.000 salariés – issus de dix pays industrialisés et en développement – et divulguée en exclusivité aux « Echos », met en avant cinq ruptures qui redessinent le travail.

Le plus frappant réside dans l’évolution même du concept d’entreprise, qui n’est plus circonscrit à ses seuls salariés. « Free-lance, CDI, CDD, ‘gig economy’ [économie des petits boulots, NDLR], contracteurs… Mais aussi écosystème de partenariats entre grandes entreprises et PME ou Gafam. L’une des cinq ruptures pointées par l’étude se concrétise par un brouillage des frontières de l’entreprise », observe John Hazan, associé responsable de la solution Talents en Europe chez Bain & Company.

Pas étonnant, dans un tel environnement, que la notion même de « bon travail » se fragmente – deuxième rupture – en six archétypes. Ainsi, nous apprend l’étude, un « operator », dans une logique de travail alimentaire, trouvera du plaisir hors de sa sphère professionnelle, contrairement à un « giver » qui y cherche plus de sens que de rémunération, à un « explorer » qui valorise liberté et variété d’expériences, à un « artisan » qui guigne continuellement la reconnaissance de son expertise ou encore un « striver », assoiffé de statut et de valorisation sociale. Quant au sixième archétype, celui du « pionneer », il se donne pour ambition de… changer le monde !

« Autre rupture : en gagnant du terrain, l’intelligence artificielle, la robotisation, la digitalisation, à la fois diffusent de l’anxiété et rendent encore plus nécessaire la valorisation des compétences humaines », analyse John Hazan. Aux entreprises alors de travailler à l’employabilité de leurs collaborateurs plutôt que de se contenter de constituer des viviers de talents puisés à l’extérieur. A elles aussi de renforcer les valeurs communes et le sentiment d’appartenance des collaborateurs. Une gageure à l’heure où 65 % des salariés plébiscitent le télétravail ?

Le variant Omicron renforce le télétravail par défaut ; ce qui avive le malaise des plus jeunes. Leur trouble face à l’incertitude – quatrième rupture – invite les managers de proximité à renforcer leur compagnonnage.

Avoir une forte raison d’être

Ces jeunes rejoignent les rangs de tous ces collaborateurs dont les motivations, multiples et nouvelles (dernière rupture), tendent à orienter l’articulation du fonctionnement des organisations vers une décentralisation de l’autorité, plus de transparence et de confiance ainsi que davantage de responsabilisation des équipes. Les entreprises, ainsi poussées par leurs collaborateurs et/ou « contraintes par un Etat tenté de se défausser de certaines de ses responsabilités », prennent aussi ce train en marche « parce que la densification des interactions avec leur écosystème est désormais une condition de leur survie », décode Erell Thevenon, déléguée générale de l’Institut pour l’innovation économique et sociale, dans « Vertiges du télétravail » (Les Ozalids d’Humensis).

« Reconstruire alors du lien social, c’est par exemple utiliser les économies gagnées sur les rationalisations de l’immobilier de bureau pour favoriser le maillage territorial en sortant d’une logique de siège social géant », illustre John Hazan. C’est aussi investir dans une expérience collective forte destinée à souder l’affectio societatis. « Comme se rassembler dans un gîte, du côté du Mont-Blanc, pour se déconnecter du tout-digital et renforcer le collectif », suggère l’expert.

Enorme chantier en cours qui rend essentielle la présence de managers coachs. Pour ingénieusement rythmer les tâches des équipes à distance, résoudre les conflits éventuels et, en appui sur une forte raison d’être, concilier de la façon la plus judicieuse sens collectif et attentes individuelles.

Source Muriel Jasor – Les Echos

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